Télémoustique (March '87)
Dix ans ont passé, et SIOUXSIE à la ville comme à la scène arbore imperturbablement les même oripeaux punkisants, la même couche de kohl sous les yeux, la même perruque noire (qu'elle a perdue récemment dans une discothèque londonienne après une « vive discussion »-sic- avec une autre cliente. Chipie, va!).
Contre vents et marrées, Siouxsie (la prêtresse) et les Banshees (les enfants de choeur) maintiennent en état le sanctuaire des anciens combattants de la new-wave. Prisonniers qu'ils sont d'une formule figée, typée, à l'image de la voix de la Sioux elle-même. « Trough The Looking Glass », leur dernier album constitué uniquement de reprises, l'illustre à merveille. Les seuls bons moments sont ceux où Siouxsie -miraculeusement- s'efface devant la chanson et la laisse respirer. Mais la plupart du temps, le son Banshees agit comme une pesante cuirasse, pire un moule où une chanson de Billie Hollyday (« Strange Fruit », 50's) se met à ressembler à un titre de Kraftwerk (« Hall of Mirrors », 70's). Gênant.
« A l'époque où nous avons fait « Dear Prudence » (reprise des Beatles en '85) nous avons pensé qu'il serait bien de faire un maxi-45 tours constitué uniquement de reprises. Le projet n'a pas abouti à ce moment là, mais nous ne l'avons jamais vraiment oublié. Et après deux albums dont la réalisation avait été un peu laborieuse, nous avons pensé: faisons quelque chose VITE. Nous sommes rentrés en studio après quelques répétitions, et en cinq semaines, cet album était terminé. Et en fait, six mois se sont écoulés depuis l'enregistrement, ce qui enlève pour nous tout l'urgence qu'on avait pu y mettre ».
Simple et clair. Siouxsie évoque l'enregistrement de cet album comme un rafraîchissement des influences, mais quand on parle d'une possible crise d'inspiration (ils commencent tout doucement à avoir épuisé la formule), elle monte sur ses grands chevaux:
« Nous avons fait cet album égoïstement, pour notre plaisir, et en nous amusant comme des fous en studio ».
Est-ce que cela veut dire qu'elle ne s'amuse plus à enregistrer le matériel original? Siouxsie rétorque CLAIREMENT:
« Pas du tout! Mais autour de ton travail, il y a toujours un pression qui était ici complètement absente ».
« Je pense que nous n'avons rien à voir avec cette mode cynique qui consiste à reprendre des chansons qui ont déjà été un succès. Pour notre choix, la renommée de l'artiste n'est pas entrée en ligne de compte, ni le fait que ce soit une chanson connue. Tout était plutôt affaire de ... souvenirs. Le contenu des textes a également été déterminant. Pour « Strange Fruit », par exemple, je ne connaissais pas la chanson. Quelqu'un m'a montré les paroles, et c'était les plus fortes que j'aie jamais lues ou entendues. C'est pour cela que nous avons fait ce titre et non comme un quelconque hommage au blues ou à Billie Hollyday, qui a créé la version originale. C'était d'ailleurs un inconnu qui lui avait fait parvenir ce texte en coulisse. De toute évidence, elle aussi les a trouvées fortes ».
Reste maintenant aux Banshees à reprendre le chemin des studios pour un nouvel album (Il n'y aura pas de tournée) à trois. John Carruthers, le guitariste qui a participé aux sessions du dernier album et qui vient de quitter le groupe, ne sera pas remplacé.
« Il est quasi impossible de trouver quelqu'un qui puisse s'intégrer à notre noyau. On ne peut pas demander à quelqu'un d'inventer dix ans de souvenirs. Toujours des tensions se créent. Les Banshees n'auront plus jamais de guitariste 'permanent'. Juste des 'collaborateurs'. Nous voilà devenu un trio ».
Propos recueillis par « Télémoustique ». (Belgium) march 87